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Liste des espèces comestibles
Liste fournie par l'université de Wageningen
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Introduction

Les insectes ont un rôle très important au niveau économique, car ils fournissent des services écosystémiques importants utiles pour l’Homme, comme la pollinisation, le contrôle de parasites ou leur position dans le réseau trophique qui en font des aliments de base pour beaucoup d. Une étude assez récente a montré que leurs services faisaient économiser 57 billiards de dollars par an aux États-Unis [Losey and Vaughan, 2006]. À côté de ces services écosystémiques, les insectes ont d’autres rôles très importants pour l’Homme. On peut citer la production de ressources textiles ou alimentaires comme la soie, certains colorants ou le miel, leur utilisation en médecine ou en tant que ressources alimentaires directes.

Actuellement et selon les sources, de 1 700 à 2 000 espèces d’insectes comestibles répartis en 16 ordres ont été répertoriées [Durst, 2008 ; Jongema, 2014] , 4 ordres représentent, cependant, plus de 80% des espèces comestibles [Durst, 2008].

 

Le fait de manger des insectes, aussi appelé entomophagie, est habituel dans certains pays, mais reste encore tabou en France. Actuellement 2,5 milliards d’êtres humains de 300 ethnies différentes consomment couramment des insectes [Durst, 2008]. Après plusieurs décennies, cette pratique gastronomique revient, cependant, à la mode dans l’hexagone, Articles, documentaires, forums, sites internet, parlent de cette nouvelle vague.

Le terme entomophagie n’est couramment appliqué qu’à l’Homme. Dans le cas de la consommation d’insectes par les autres animaux, on parle plutôt d’un régime alimentaire insectivore [Durst, 2008].

 

Grillons au chocolat, crêpes croustillantes aux criquets, verrines à la purée de scarabée ou encore salade de fourmis sont des menus qui en feraient pâlir plus d’un, cependant ceux-ci pourraient bien devenir nos futurs repas. En effet, à défaut d’êtres petits, il faut savoir que les insectes représentent près de 80% de la biomasse animale de la planète [Orliange, 2011]. De plus il ne faut pas oublier pas que les insectes représentent un des éléments les plus bas du réseau trophique, ce qui explique pourquoi, ils se reproduisent en nombre et de manière rapide [Ramade, 2009].

1. Histoire

Actuellement, de nombreux peuples consomment des insectes, en Asie, Océanie, Afrique ou Amérique du Sud. Cependant la pratique entomophage reste relativement rare en Europe ou en Amérique du Nord. D’une part, car la culture y est différente, mais aussi, car le nombre d’espèces comestibles reste assez faible comme le montre la figure 1 [Jongema, 2014].

Bien qu’actuellement l’alimentation à base d’insectes reste assez controversée en Europe, ça n’a pas toujours été ainsi. De tout temps, les insectes ont accompagné les humains, en étant notamment une de leurs sources de nourriture, d’ailleurs de nombreuses preuves ont montré que nos ancêtres consommaient des insectes.

 

 

En effet, la découverte de fragments d’insectes dans des coprolithes humains datant de 9500 à 5400 BP (Before Present : avant 1950) laisse penser que les insectes faisaient intégralement partie de l’alimentation de l’Homo sapiens [Elias, 1998] voire de leurs ancêtres. Des auteurs vont même plus loin en affirmant que les insectes ont été indispensables pour l’évolution humaine [Ponzetta, 2003] en leur apportant plusieurs éléments essentiels (Fer, Zinc, Vitamine B12, etc.) quand la chasse était difficile. 

 

Même si la consommation d’insectes parait innovante, il s’agit plutôt d’une réintroduction de cet aliment dans nos habitudes de consommation. En effet plusieurs écrits montrent que cet aliment était très populaire à l’époque.

Au temps de la Grèce antique, on trouve déjà des références aux criquets et aux cigales consommés aussi bien par les riches que par les pauvres. Dans la Rome antique, la consommation d’insectes était, cependant, appréciée par l’aristocratie [De panafieu, 2013], les plats prisés servis aux banquets étant constitués, le plus souvent, de criquets enrobés de miel à l’aspect doré.

Dans la bible (Mc 1,4-8), on peut également trouver une référence à l’entomophagie « Jean (Baptiste) portait un vêtement fait de poils de chameau et une ceinture de cuir autour de la taille ; il mangeait des sauterelles et du miel sauvage. »

Plus récemment, au 12ème siècle, Rachi, un commentateur Hébreu, affirme que les communautés juives marocaines et yéménites mangent des criquets pèlerins, qu’ils considèrent comment kasher [Mangeons-des-insectes, 2013]

 

Entre le 19ème et le 20ème siècle, plusieurs petites références font échos d’une consommation anecdotique d’insectes en Europe.

 

-          « Les enfants du sud de la France aiment consommer les cuisses charnues des sauterelles. »  [Cuvier, 1827].

 

-          « Les Français jouent à attraper des sauterelles qu’ils mettaient sur une pique pour les faire griller sur le feu et les déguster. » [Freeman, 1858].

 

-          Recette pour cuisiner des larves de Hanneton [Miot, 1870].

 

-          « Je vais capturer de gros criquets qui se cuisinent sommairement frits, au beurre et au sel [… ]C’est supérieur aux cigales vantées par Aristote. Il s’y trouve certaines saveurs d’écrevisse, certains fumets de crabe grillé… » [Fabre, 1900].

 

-          « On a considéré plusieurs insectes comme mets délicieux en Europe et un nombre de ces insectes est toujours mangé avec plaisir en Chine, en Afrique et en Australie de nos jours » [Tannahill, 1973].

 

 

Avec l’augmentation de la population mondiale et le développement de nouvelles techniques de collecte de masse, la société occidentale se tourne de plus en plus vers  cette ressource alimentaire.

Figure 1 : Nombre d'espèces d'insectes comestibles par pays
Figure 1 : Nombre d'espèces d'insectes comestibles par pays

2. L'entomophagie à l'heure actuelle

2.1. L'entomophagie en Afrique

En Afrique, les chenilles et les termites sont les insectes les plus consommés et commercialisés. Cependant, d’autres insectes sont localement très importants, que ce soit pour des raisons économiques, écologiques ou nutritionnelles.

 

                En Afrique du Sud, le peuple considère que les insectes sont supérieurs aux autres mets. Lors de récoltes des chenilles  de Gonimbrasia belina la vente de bœuf connait une baisse sensible. Une estimation des années 1960 indiquait que plus de 1 600 tonnes de chenilles de cette espèce étaient récoltées chaque année et commercialisées en Zambie et au Zimbabwe [Malaisse, 1997]

Figure 2 : Gonimbrasia belina © Wikimedia
Figure 2 : Gonimbrasia belina © Wikimedia

 

En Angola, plusieurs espèces sont consommées, un termite (Macrotermes subhyalinus), une larve de Coléoptère Curculionidae (Rhynchophorus phoenicis) et une chenille (Usta terpischore) [Olivieira,1976].

Figure 3 : (1) Macrotermes subhyalinus © termiteweb.com ; (2) Rhynchophorus phoenicis larve © Dr. Morley Read ; (3) Rhynchophorus phoenicis adulte © biolib.cz ; (4) Usta terpischore chenille © Marcus Harrison ; (5) Usta terpischore © galerie-insecte.org
Figure 3 : (1) Macrotermes subhyalinus © termiteweb.com ; (2) Rhynchophorus phoenicis larve © Dr. Morley Read ; (3) Rhynchophorus phoenicis adulte © biolib.cz ; (4) Usta terpischore chenille © Marcus Harrison ; (5) Usta terpischore © galerie-insecte.org

 

 

À la Réunion, ce sont les nids de guêpes maçonnes (Polistes hebraeus) qui sont recherchés de janvier à mars, les larves sont consommées frites ou accompagnées de tomates et d’épices [Europe-entomophagie, 2014].


                Au Malawi, il y a consommation de nombreuses espèces, notamment des chenilles de Gonimbrasia belina ou de Gynanisa maja, il y a également consommation du Diptère Chaoborus edulis
[Wikipédia, 2014]. 

 

Figure 4 : Gynanisa maja. Chenille à gauche © actias.de, adulte à droite © robertthompsonphotography.com
Figure 4 : Gynanisa maja. Chenille à gauche © actias.de, adulte à droite © robertthompsonphotography.com

 

Au Nigéria, l’entomophagie est largement répandue, notamment dans les zones rurales. Comme dans d’autres pays africains, les chenilles de Cirina forda sont très prisées et vendu, au poids, deux fois plus cher que la viande de bœuf [Wikipédia, 2014]

Figure 5 : Cirina forda. chenille à gauche © whatsthatbug.com; adulte à droite © thornesinsects.com
Figure 5 : Cirina forda. chenille à gauche © whatsthatbug.com; adulte à droite © thornesinsects.com

 

Plus de 65 espèces appartenant au moins à 22 familles différentes sont consommées en République démocratique du Congo. Une étude a même estimé que les insectes représentent 10% des protéines d'origine animale consommées par les populations, soit 5 000 tonnes métriques. Cette part varie fortement en fonction des régions du Congo car elle peut atteindre 64 % à certains endroits [Gomez, 1961]. Chez les Yansi, la consommation de chenilles est considérée comme la règle et celle de viande comme l’exception.

Figure 6 : Comparaison des compositions en protéines animales par an à Bangui/RCA [N’Gasse, 2003] et pour la république démocratique du Congo [Gomez, 1961]
Figure 6 : Comparaison des compositions en protéines animales par an à Bangui/RCA [N’Gasse, 2003] et pour la république démocratique du Congo [Gomez, 1961]

À Madagascar, certaines ethnies consomment des larves de plusieurs insectes. La larve la plus prisée est celle d'une guêpe locale Polistes hebraeus et se récolte en groupe avec le nid. Les zendettes, sont des larves de coléoptères Cerambycidae consommatrices de bois en décomposition et récoltées une par une dans les milieux naturels des Hauts : une espèce indigène Megopis mutica, une espèce acclimatée Batocera rufomaculata, et éventuellement d'une espèce de charançon Aphiocephalus limbatus. Dans le nord-est de l'île, plus particulièrement dans la région d'Antalaha, on a l'habitude de consommer une espèce de fulgorelle appelée Sakondry, Pyrops tenebrosa [Wikipédia, 2014].

Figure 7 : Megopis mutica. Larve à gauche et adulte à droite. © insecte.org
Figure 7 : Megopis mutica. Larve à gauche et adulte à droite. © insecte.org
Figure 8 : Batocera rufomaculata. Larve à gauche © nbaii.res.in ; Adulte à droite © wikimedia.org
Figure 8 : Batocera rufomaculata. Larve à gauche © nbaii.res.in ; Adulte à droite © wikimedia.org

2.2. L'entomophagie en Amérique

En Colombie, les Amérindiens Yukpa, de l’est du pays, consomment au moins 25 espèces différentes, appartenant à 22 genres répartis en 7 ordres [Ruddle, 1973]. La consommation varie parfois de façon saisonnière et suivant le sexe. Le département de Santander est connu pour ses Hormiga culona qui est une fourmi coupeuse de feuille. Seules les reines sont consommées. Elles sont récoltées lors de leur vol nuptial.

Figure 9 : Hormiga culona © foopshi.com
Figure 9 : Hormiga culona © foopshi.com

Au Mexique, la chenille du papillon ravageur de l'agave Hypopta agavisest consommée frite, comme friandise par exemple à l'apéritif. Les escamoles (œufs de fourmis) sont, en saison, consommés avec une sauce à l'ail, par exemple à l'apéritif. Les Chapulines sont des criquets consommés frits avec des piments, de l'ail ou du jus de citron [De panafieu, 2013].

Figure 10 : chenille d’Hypopta agavis © biodiversidadvirtual.org
Figure 10 : chenille d’Hypopta agavis © biodiversidadvirtual.org

2.3. L'entomophagie en Asie

En Chine, un thé à vertus diététiques est fait à partir d’excréments de chenilles de papillons nocturnes, le chōng cha.

En Thaïlande, l’entomophagie est de coutume et les insectes sont d’ailleurs présents dans les supermarchés. Par ailleurs des vendeurs ambulants se promènent à vélo pour vendre leurs insectes la nuit en « grignotage ». Cette activité leur rapporte aux alentours de 20€ par nuit [bugs-to-eat.com, 2012 ].

 

En Indonésie, les larves, prénymphes et nymphes des fourmis tisserandes fraîchement collectées (Oecophylla smaragdina) sont encore parfois consommées à Java et à Bali.Les demoiselles et les libellules, principalement celles des espèces des genres Anax, Crocothemis et Neurothemis, étaient jusque dans les années 1970 fréquemment consommées à Bali. 

Figure 11 : Oecophylla smaragdina © maxisciences.com
Figure 11 : Oecophylla smaragdina © maxisciences.com

 

Au Japon, les larves et les nymphes des guêpes vespula sont mangées en automne dans des villages des Préfectures de Nagano, Aichi, Shizuoka et Yamanashi. On les consomme bouillies avec du saké, du sucre et de la sauce soja, mélangées à du riz, parfois sous forme de sushi (Oshi sushi et Hoba sushi), ou comme base de sauce pour des gâteaux de riz (Hebo-dare Gohei-mochi). En 1919, un rapport officiel énumère comme comestibles au Japon 55 espèces d’insectes, notamment les sauterelles et des larves de scarabées. Après avoir retiré les intestins des frelons, on les cuit en sukiyaki et en tempura. Il existe aussi une liqueur à base de frelons [Wikipédia, 2014].

 

Au Laos, Dundubia intemerata est consommée bouillie ce qui fait considérer sa consommation plus proche de celle d’un légume que d’un animal. La larve de Oryctes rhinoceros est cuite dans du lait de noix de coco durant une heure avant d’être rôtie. La grande nèpe Lethocerus indicus, est très recherchée ; bouillie avec des crevettes, son goût rappelle le gorgonzola. Une sauce très populaire également, nommée namphla est un mélange de crevettes, de jus de citron, d’ail, de poivre et de Lethocerus indicus. Deux grandes araignées sont aussi consommées : Nephila pilipes (consommée crue ou rôtie) et Melopoeus albostriatus (consommée après avoir enlevé les chélicères et les poils)[Wikipédia, 2014].

Figure 12 : Oryctes rhinoceros. Larve à gauche © biolib.cz ; adulta à droite © visoflora.com
Figure 12 : Oryctes rhinoceros. Larve à gauche © biolib.cz ; adulta à droite © visoflora.com
Figure 13 : (1) Lethocerus indicus © biolib.cz ; (2) Nephila pilipes © dipode-vie.net ; (3) Melopoeus albostriatus © agefotostock.com
Figure 13 : (1) Lethocerus indicus © biolib.cz ; (2) Nephila pilipes © dipode-vie.net ; (3) Melopoeus albostriatus © agefotostock.com

2.4. L'entomophagie en Océanie

 

En Australie, certaines ouvrières d’espèces de fourmis sont consommées, les fourmis pot-de-miel. Comme Camponotus inflatus, ces fourmis conservent du miellat pour nourrir leurs congénères. Sont également consommées les chenilles d’Endoxyla leucomochia qui parasitent les racines de certaines plantes [Wikipédia, 2014].

Figure 14 : Camponotus inflatus
Figure 14 : Camponotus inflatus

2.5. L'entomophagie en Europe

Comme dit précédemment, la consommation d’insectes n’est pas dans les mœurs actuelles, car ils sont souvent associés à la maladie et au recyclage de la matière organique. Sauf exception, actuellement la pratique entomophage est donc assez marginale.

Durant ces 10 dernières années, ce phénomène entre de plus en plus dans les mœurs avec l’ouverture de sites spécialisés, de forums ou même de restaurants. Nous pouvons donc nous poser plusieurs questions.

 

Entomophagie : Effet de mode ou sensibilisation au développement durable ? Nos enfants mangeront-ils des steaks de fourmis? 

 

 Il y a peu, nous sommes passés à 7 milliards d’individus. La démographie à l’échelle planétaire augmente de façon exponentielle, en 2050, les spécialistes estiment que la planète comptera 9,6 milliards d’êtres humains [ONU, 2012].

Un français mange environ 87,8 kg de viande par an (chiffre de 2009) [FranceAgricole, 2010]. À l’échelle planétaire, pour satisfaire tout le monde il va donc falloir produire beaucoup de viande, 9 milliards d’individus vont devoirs cohabiter avec approximativement 36 milliards d’animaux d’élevage. 36 milliards d’animaux qui consommeront de l’eau et qui émettront des gaz à effet de serre. Pour donner un ordre d’idée, un rôti d’un kilogramme de bœuf nécessite 15 000 litres d’eau et est égal en équivalent carbone à 30 kilomètres fait avec sa voiture. La planète aura donc certainement du mal à suivre ce rythme [Orliange, 2011]. D’où l’intérêt de se tourner vers un nouveau type de ressource plus écologique.

La FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) estime que la consommation d’insectes devrait être intégrée aux programmes de développement. En effet, plusieurs arguments existent en faveur de l’entomophagie.

                Tout d’abord, les conditions d’élevage ne sont pas les mêmes, en effet les bovins nécessitent des surfaces qui se comptent en hectares, les insectes nécessiteraient des surfaces de l’ordre du m²,  on peut donc facilement imaginer un élevage d’insectes dans une cave ou dans un placard. En dehors d’une production de masse qui s’avérerait beaucoup plus rentable, l’entomophagie serait également un bon moyen pour protéger la biodiversité, en effet beaucoup des espèces consommées s’attaquent à des plantes particulières qui s’avèrent endémiques et en voie de disparition.

                Un autre bénéfice se retrouve dans la diminution conséquente des gaz à effet de serre, participant (selon le GIEC) au réchauffement global et donc à une érosion importante de la biodiversité [Oonincx, 2010]. L’élevage de gros mammifères produit actuellement 18% des émissions annuelles de gaz à effet de serres, avec 9% des émissions dioxyde de carbone, 65% des émissions d’oxyde d’azote et 37% des émissions de méthane [FAO, 2006].

Cependant, l’entomophagie ne reste actuellement qu'un effet de mode, la sensibilisation reste encore bien mince. La restauration se lance progressivement dans ces menus "exotiques" dirons-nous. Mais beaucoup ne se sentent pas prêts à manger quotidiennement de la "viande d'insecte", l'image péjorative de ces animaux restant encore bien ancrés dans les esprits, ce qui n'est, bien sûr, pas atténué par les médias. 

 

Les insectes offrent donc une alternative potable à la consommation de viande, mais qu’en est-il de l’apport nutritionnel ?

 

Avant de répondre à cette question, il est important de savoir que la viande est notre apport principal en protéine. Les protéines sont indispensables à la croissance des enfants et au renouvellement cellulaire.

Après analyse de 100g de matière sèche de criquet, 56,7% de protéines ont été décelés, presque 3 fois plus que pour la même quantité de bœuf. En valeur énergétique, c'est-à-dire le taux de protéine et de matière grasse, 100g de criquet correspondent à prés à 555 kcal, 5,5 fois plus que celle du bœuf en poids équivalent. 20 grammes d’insecte cuit correspondent donc à la valeur énergétique d’un beefsteak de 110g [Orliange, 2011]. Les insectes sont donc hyperprotéinés et, potentiellement, très bons pour la santé. Depuis 2008 La FAO recommande d’ailleurs leur consommation.

                Les insectes et notamment certaines larves apportent des vitamines rares, comme la vitamine D, essentielle pour fixer le calcium sur les os. Les larves d'abeilles apportent par exemple 10 fois plus de vitamine D que l'huile de foie de Morue. Selon la revue Insectes, on trouve, en plus des protéines, de la vitamine B (thiamine) B2 (riboflavine) et B3 (niacine).

Les insectes sont, à l'état adulte, beaucoup moins riches en lipides que  la plupart des viandes actuellement commercialisées. Les larves et les termites sont, par contre, très riches en gras. 

En terme de glucides, l'exosquelette des insectes est riche en chitine, jouant sur l'organisme en temps que fibre alimentaire (polymère de sucre).

À côté de ça, les insectes sont riches en minéraux essentiels qui provoquent des carences chez l'Homme, notamment du zinc, du fer, du cuivre et du calcium [Orliange, 2011].

 

L’insecte serait alors une alternative possible pour garantir la sécurité alimentaire de demain et un moyen de combattre la malnutrition. Ceci incite quelques pionniers français à surfer sur cette vague entomophage en faisant du commerce d’insectes comestibles. C’est le cas de Romain FESSARD, propriétaire du site internet http://www.insectescomestibles.fr/ qui propose toute une série d’insectes revisités pour le plaisir des papilles. À coté des produits déjà cuisinés comme les sucettes aux scorpions ou les bonbons aux papillons, Romain FESSARD vous propose des recettes mettant en avant les insectes et la vente de matière première (fourmis, criquets, vers de farine, etc.) 

Lors du Fossilium 2011 de Villeneuve-d’Ascq, nous l’avons rencontré et nous avons pu gouter à quelques-uns de ces plats parmi lesquels des verrines à la purée de scarabée et des petits canapés aux verres de farine, malgré la décoration qui pourrait en faire fuir plus d’un, le goût était plutôt innovant et agréable.

             À côté de ces plats déjà cuisinés, nous avons pu goûter à la matière brute, c'est-à-dire aux criquets, aux vers de farine et vers morios. Le gout de ces bases culinaires ressemble fortement à celui des biscuits apéritifs. 

             Convaincus qu’ils représentent plus qu’une mode gastronomique, certains industriels veulent s’en servir comme complément alimentaire pour faire des barres énergétiques hyperprotéinées.

 

Il faut également savoir que l’entomophagie  est déjà encrée dans notre société, en effet sans le savoir nous consommons déjà des insectes. En dehors des seuils fixés, dans le codex Alimentarius, à 0,1% d’insectes dans les produits à base de blé par exemple [FAO, 2007]. Nous consommons des produits produits ou transformés à l’aides d’insectes. 

 

Ainsi, certains aliments de couleur rose possèdent un colorant issus d’une protéine de défense que sécrète la cochenille,  appelée acide carminique, le carmin, commercialisé sous le nom de E120, merguez, bonbons, saucisse de Strasbourg, sodas, cervelas, tout y passe, cependant la notion d’insecte sur les produits alimentaires effraie toujours.

 

Figure 15 : Cochenille © media.gerbeaud.net
Figure 15 : Cochenille © media.gerbeaud.net

L'affinage de certains fromages nécessite la présence d'acariens comme la mimolette vieille qui nécessite le Ciron, Acarus ciro

Figure 16 : Acarus ciro © fr.wikipedia.org
Figure 16 : Acarus ciro © fr.wikipedia.org

D’après les dernières nouvelles, L’union européenne a accordé une subvention de 3 millions d’euros pour l’importation d’insectes venus des pays asiatiques et pour promouvoir la consommation de ceux-ci. A long terme ceci pourrait alors être la cause de l’implantation de restaurants spécialisés dans l’entomophagie.

 

Quelques points noirs? 

 

 Certes, tout ceci parait idyllique, mais on peut relever quelques inconvénients. 

                Le plus futile reste le prix, encore trop excessif. Il faut tout de même compter presque 7 euros pour quelques grammes d'insectes. Cependant ceci ne peut que s'améliorer, nous ne blâmons par les fournisseurs, car l'achat, le transport, et le stockage doivent être rentabilisés. 

Les plus grands inconvénients touchent l'écologie, à terme, l'entomophagie pourrait bien faire beaucoup de mal aux écosystèmes. 

Actuellement, aucun élevage intensif, pouvant approvisionner des chaînes de restaurations, n'existe en France. Les matières premières sont donc importées de pays étranger notamment  d'Asie, ce qui entraine, par le biais des transports, une émission de gaz à effet de serre. Certes il existe des fournisseurs de vers de farine ou grillons (IPV http://www.i-p-v.fr/ par exemple) mais rien de comparable aux pays asiatiques. 

Comme nous l'avons dit, les insectes sont dans les premiers éléments du réseau trophique. Si nous nous contentons des insectes d'élevage, tout ira bien, cependant une surexploitation des individus sauvages entrainerait un bouleversement de l’écosystème entier.

 

Ceci pose, également, des problèmes d'ordre sanitaire. Tous les insectes ne sont pas comestibles, d'ailleurs, beaucoup d'espèces sont toxiques ou dangereuses. De plus, les insectes comestibles peuvent être porteurs de maladies s'ils ne sont pas issus d'élevages contrôlés ou s'ils sont prélevés dans la nature. Il faut dire que contrôler des bovins ou des ovins est une chose, mais le faire pour un élevage entier de criquet ou de grillons peut très vite être fastidieux.

                Certaines études ont également relevé un caractère allergène dans la consommation de certains insectes, notamment chez les ténébrions [Barre, 2014 ; Dutau, 2014].

             Les recherches en agronomie se développent beaucoup ces derniers temps en ce qui concerne l'entomophagie, mais les données acquises sont encore très loin de celles issues de dizaines d'années de recherche et de sélection sur les gros mammifères. 

 

Dans un futur, plus ou moins lointain, les insectes comestibles sauvages pourront être domestiqués et sélectionnés, ce qui a terme conduira à l'extinction de la variété sauvage. Ceci s'est déjà passé pour de nombreuses espèces de vertébrés mais aussi d'invertébrés. Ainsi, l'aurochs a disparu au profit de la vache

Figure 17 : Dessin représentant un aurochs © acoeuretacris.a.c.pic.centerblog.net
Figure 17 : Dessin représentant un aurochs © acoeuretacris.a.c.pic.centerblog.net

 

Il n'existe pas beaucoup d'insectes domestiqués à l'heure actuelle, cependant on peut citer le Bombyx du mûrier Bombyx mori, dont la chenille est connu sous le nom de "vers à soie". Sa domestication a été réalisé au 18ème siècle et est attribuée à l'impératrice  Xi Ling Shi, qui selon la légende, prenait le thé sous un murier lorsqu'un cocon tomba dans sa tasse, quand elle le retira elle vit que la soie se détachait du cocon. Le Bombyx est, à l'heure actuelle, inconnu à l'état sauvage. C'est un insecte très facile d'élevage car l'adulte ne vole pas, ceci est dû à l'accumulation de mutations génétiques qui ont été sélectionnées involontairement par l’Homme favorisant, ainsi, l'élaboration de plus gros cocons cependant l'utilisation des ailes est un caractère qui a été contre sélectionné. 

 

 

"en l'absence de sélection en faveur d'un caractère, on a accumulation de tares qui conduiront à sa régression"

 

A. Weismann

Figure 18 : Chenille de Bombyx mori © sites86.ac-poitiers.fr
Figure 18 : Chenille de Bombyx mori © sites86.ac-poitiers.fr

3. Liste des espèces comestibles


Références

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DE PANAFIEU, J.B. (2013). Les insectes nourriront-ils la planète ? Éditions du Rouergue

 

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DUTAU, G., LAVAUD, F. (2014). Les ténébrions et leurs larves : allergènes alimentaires du futur ? Revue Française d'Allergologie, 54, p 1-3.

 

ELIAS, S. (1998). The use of insect fossils in archaeology. Meganeura, 2, p 15-18.

 

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